mardi 14 mai 2019

Claques

Une claque chez Maurice Pialat (Police, 1985)

Avec Police, il est difficile de passer outre le contexte de fabrication du film. Tout est vrai de la simple rudesse à la vraie méchanceté, les claques, l’humiliation permanente — à ce titre, les récits de tournage sont tout bonnement terrifiants. Je ne fustige personne, ici c’est autre chose qui m’intéresse. Par cette pratique là du cinéma, un glissement s’opère. La véracité de la violence comme création d’une valeur ajoutée à l’expérience filmique. Ce qui permet, pour Pialat, de se dédouaner de ses actes au profit d’une nécessité, d’une cause noble (l’art). Le vice est rendu louable, l’acte condamnable force désormais le respect. Ce raisonnement sous-tend que parce qu’une claque est vraie, elle en devient -par extension- juste. Cette violence à l’oeuvre totalisante (et totalitaire) est loin d’être un cas isolé, mais ici, si elle me gêne tant c’est qu’elle capitalise absolument tout. Chez Cassavetes, on retrouve pourtant de ces gestes d’une extrême violence, de cette mise à mal du corps de l’acteur, l’enjeu y est alors tout autre. Ce sont dans les moments de crise les plus extrêmes que se révèle la beauté -inattendue- de ses personnages. C’est l’expérience du meurtre, dans The Killing of a Chinese Bookie, qui dévoile la fragilité, la solitude et plus encore la marginalité de Ben Gazzara : la violence révèle. Chez Pialat, elle phagocyte, n’ouvre pas, au pire humilie. 


Une claque chez Joe Chappelle (Halloween 6, 1995)

La claque n’existe ici pas dans le plan, c’est-à-dire que l’on ne voit pas une main qui frappe une joue. La claque - comme geste de la main, est supplantée par la claque comme geste de montage. C’est la coupe qui fait événement, seule condition d’existence de l’impact et de toute la violence contenue en son sein. Vitesse, presque un effet de clignotement; conséquence immédiate, un saignement de nez inopiné. 



Une claque chez Robert Bresson (Mouchette, 1967)

Un aller retour qui sort littéralement de nulle part. Il y a surgissement, apparition. La violence de la claque réside dans son apparent détachement, dans sa mise à distance. Ce qui effraie, c’est la mise à nu du rapport de force entre Mouchette et son père réduit à un geste purement mécanique. Ce qui est donné à voir, c’est l’essence d’un geste qui contient bien plus que ce qu’il montre. L’effet, par métonymie, des larmes que l’on a pas vu surgir, qui coulent déjà sur les joues de Mouchette. L’absence d’implication, d’incarnation efface la complaisance.

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